Ce qui s’est passé ces trois dernières années montre que le CA n’est plus ce qu’il était par le passé, un club modèle en gestion.
Les temps ont beaucoup changé pour le CA, passé d’un club-modèle en gestion et en organisation (l’époque du grand Azzouz Lasram) à un club fragile, mal géré et qui n’a pas su planifier son avenir. Il faut rappeler que depuis le milieu des années 60, et après l’avènement de Azouz Lasram, un homme politique «lourd» qui a dirigé l’économie tunisienne durant des années, le CA a franchi (et était le premier en Tunisie et même en Afrique du Nord) le palier du professionnalisme, toutes proportions gardées. Le CA était très loin de tous les autres clubs tunisiens qui essayaient de suivre et de s’inspirer du modèle de gestion intronisé par Lasram et poursuivi par les Zouhir, Mokhtar ou Azzabi. Financièrement, sportivement, le CA de cette époque était un repère avec des joueurs amateurs oui, mais gérés en tant que salariés (un régime de revenus fixes, cotisations, affectation dans des sociétés publiques, épargne bloquée…). Les anciens joueurs nous racontent que Azouz Lasram a fait du Parc A un lieu privilégié pour les entraînements. Ordre, entretien, discipline, respect des valeurs sportives, le CA de Lasram tendait la main même à ses rivaux et à tous les joueurs tunisiens. Lasram a bâti un modèle de gestion qui a donné une identité à ce CA qui a gagné en popularité et en gloire grâce à Azouz Lasram. C’est une époque révolue avec une identité ancrée et que personne ne pouvait contester. Cette identité, le CA a commencé à la perdre peu à peu depuis les années 90 avec des conflits internes et une gestion de moins en moins rigoureuse. Cela dit, les années 90 et les années 2000 n’étaient pas toutes catastrophiques. Les crises, il y en avait, mais il y avait de grands dirigeants qui essayaient de préserver, autant que possible, le «patrimoine» de Azouz Lasram. Jamais le CA n’est tombé si bas, parce que les repères étaient solides et personne ne pouvait les effacer.
Maintenant, la crise est identitaire par excellence. Le profil du dirigeant clubiste n’est plus celui des années de gloire. N’importe qui peut accéder à ce statut de dirigeant clubiste. L’avènement d’un certain Slim Riahi en 2012, l’homme, qui a appâté toute la famille clubiste par son argent fou, était le point départ de cette crise d’identité. Des opportunistes ont pu s’installer au CA : décisions suicidaires, argent fou dépensé sans la moindre rigueur et des contrats suspicieux qui ont créé par la suite des litiges étouffants et ravageurs. Sans oublier la corruption et les commissions raflées en noir !
Enlisement !
En 2020, le CA souffre en dépit d’un public qui a injecté plus de 6 millions de dinars, et en dépit d’un effrayant nombre d’hommes d’affaires et d’ex-dirigeants (trop même !) qui peuvent intervenir (mais qui ne le font pas !). Qui pense que le CA va facilement trouver des solutions à court terme. La cacophonie que l’on voit, les guerres des coulisses ne prédisent pas une relance et un épilogue rapide. Ces 16 millions de dinars qui représentent l’ensemble des amendes à payer les litiges du club avec ses ex-joueurs, sont-ils si difficiles à fournir ? Pas du tout, une banque, sur garantie de l’Etat ou un groupe de bailleurs de fonds clubistes peuvent les fournir en un rien de temps! Le problème n’est pas là. Le problème, c’est qu’il n’y a pas, à court terme, un plan directeur pour sortir de la crise et pour planifier l’avenir. Et même si les dettes sont honorées qui peut relancer le club dans ce paysage flou? Il y a tellement d’incohérence dans le quotidien du CA que l’on se demande si vraiment ce club peut retrouver son identité. Le CA ne peut que s’en prendre à ses dirigeants et à ses bailleurs de fonds qui se sont fait des noms grâce au CA, mais qui l’ont lâché au mauvais moment.